Réponse à Lucie Servin

Dans la Techno, on est rôdés à se faire bien canardés par l’Humanité, qui nous avait traité de « néo nazis » lors de la fête des 20 ans de Libération en juin 1993. C’est donc une haine de leur part ancienne et tenace, c’est comme un virus qui réussit à se fossiliser pour renaître après le dégel…

Texte envoyé à Pierre Laurent, directeur de la rédaction de l’Humanité:

Monsieur le Directeur de la Rédaction,

En choisissant comme chapeau la « technoparade pue le fric » à votre article sur la Techno Parade (en deux mots), l’association Technopol, organisatrice de la Techno Parade, tient à vous faire remarquer qu’un jugement hâtif et non fondé conduit toujours à transmettre de fausses informations.

Il y a plusieurs fausses affirmations dans votre article publié lundi 22 septembre:

– « On pue le fric » : la Techno Parade est organisée par Technopol, une association à but non-lucratif qui, depuis 1996, travaille toute l’année pour la défense des acteurs électroniques. La Techno Parade demeure l’une des rares parades techno non commerciales au monde. La plupart des parades techno sont des productions commerciales.

– « NRJ est partout » : ce média n’était pas partenaire de l’édition 2008 et n’avait aucune visibilité sur la parade. Comment Lucie Sernin a fait pour voir NRJ ?

– « La publicité est partout et le défilé rassemblait plus de cent DJ payés et sélectionnés  » : la quasi-totalité des artistes sont bénévoles à l’exception de la demi-dizaine d’artistes européens programmés sur le char de la Saison Culturelle Européenne. La publicité est strictement encadrée par Technopol qui interdit, à de très rares exceptions près, aux chars participants d’y avoir recours. Ce sont majoritairement des associations et des passionnés qui organisent les chars, des collectifs d’amateurs qui sont animés par la fête, ce moment de partage qu’on aime tous. La Fête de l’Humanité pratique une entrée payante, a des publicités 4x3m de marque d’alcools, des partenaires comme TF1 et produit aussi des artistes connus et payés comme Johnny Hallyday, artiste qui n’appelle pas pourtant à voter PCF lors des élections. Est ce que la Fête de l’Huma «pue le fric « ? Doit-elle être taxée de «récupération commerciale» parce qu’elle est obligée d’avoir recours à des sources de financement pour avoir lieu ? Technopol s’interroge et vous pose la question.

De plus, votre article souligne que la Techno Parade « a surtout définitivement tourné le dos à ses revendications libertaires ». Cette affirmation est déplacée, la politisation de la techno a conduit à la gestion par le ministère de l’Intérieur des teknivals depuis 2002. Ces grands rassemblements festifs ont été victimes de la politique sécuritaire du gouvernement Jospin en mai 2002, suite à l’amendement du député UMP Thierry Mariani en 2001. La Loi Sécurité Quotidienne a tué la free party, mais pas Technopol qui a attaqué en Conseil d’État le décret d’application au nom de la liberté d’organisation et de manifestation. Bizarrement, votre journaliste était beaucoup moins sarcastique à ce moment-là pour défendre son idéal libertaire.

L’utopie techno a peut-être été guidée de 1995 à 2002 par la théorie d’Hakim Bey portant sur les Zones d’Autonomie Temporaire (les fameuses « TAZ », sic). Lucie Sernin a du mal le lire. Ce ne fut là qu’une béquille idéologique que les technoïdes n’ont pas compris. C’est peut-être là le regret des personnes interrogées, elles regrettent un passé plus engagé qui n’a pas existé.

Alors que Lucie Sernin critique du trottoir où elle ne s’est pas rendu pour mener son enquête, l’association Technopol agit pour la visibilité de la culture électronique (house, techno, hardcore, minimale, break, trance, jungle, electronica…) par une grande fête populaire éco responsable, la seule à ce jour (à quand un 1er Mai eco conçu ?), non commerciale, gratuite, citoyenne et d’une grande mixité sociale.

La journaliste souligne que le but de la Parade a été « atteint ». Faut-il alors disparaître ? D’après les propos rapportés, la Techno Parade ne plait pas à ceux qui conjuguent la techno au passé. Ceux là ne voient pas que la parade permet des négociations sur le terrain pour convaincre des élus ou des préfets à autoriser des manifestations électroniques, qui font encore peur ! La techno n’est pas à l’abri d’un retour en arrière (cf. amendement Mariani).

Votre quotidien rapporte des propos de spectateurs déçus, nostalgiques d’un temps ancien où les technoïdes se prenaient par la main pour lutter contre l’oppression. Comment la journaliste a fait pour trouver des personnes aussi aigries ? L’Humanité n’en est pas à sa première critique sur la techno. Mardi 15 juin 1993, le quotidien titrait déjà « les raves, ces drôles de fêtes » le même jour où Libération célébrait par une rave à la Grande Halle de la Villette ses 20 ans. Un des articles se nommait même « la musique techno a ses rites, ses chefs et ses croix gammées »… Est ce  que Charles Pasqua, alors Ministre de l’Intérieur, avait donné l’idée de l’article à vos anciens collègues ?

L’association Technopol espère que la rédaction de l’Humanité aura la grande humanité de publier ce droit de réponse et vous invite à un débat public pour discuter des différents griefs de votre journaliste avec les adhérents de Technopol.

Le Conseil d’Administration de l’association Technopol, Paris, vendredi 26 septembre 2008.