Le monde va mal. On le sait. Ce malheur a été décrit dans de nombreux récits imaginaires. L’imaginaire est ce qui nous reste pour nous évader et préparer des jours meilleurs. Certains s’inventent un monde de terreur (les ayatollahs, les électeurs de Trump, d’Orban et Poutine), mais d’autres pensent que l’amour est sans doute une énergie inépuisable, capable de briser les chaînes et les causes de sa propre fin que notre civilisation s’est créée par profit et paresse.
Le roman de Vincent Borel « Fraternels » paru en 2016 décrit un monde éclaté tel que nous le connaissons aujourd’hui bouleversé par un choc tellurique d’ampleur planétaire provoqué par ses propres oligarques à la recherche d’une énergie sans limite. Le soleil artificiel créé à Cadarache par la multinationale Opié, qui règne sur le temps de cerveau disponible grâce à son imparable Ifon, déclenche une apocalypse technologique sans pareil : tous les appareils électroniques sont obsolètes. Au même moment les Andes se réveillent contre leur surexploitation outrancière de ses entrailles. Un émir philanthrope lance le djihad de l’amour et choisit un imam marseillais gay (il existe en vrai) comme le héraut de son mouvement. Une enfant d’une ethnie anéantie de Sibérie trace sa route jusqu’à la Ville Trois Fois Sainte. Les différents protagonistes s’en vont à Jérusalem où le dénouement n’est qu’un nouveau départ. Extraits choisis.
La Terre connectée par les hommes implose. L’onde de choc a coupé l’alimentation sur toute la surface du globe. Son expansion touche les data centers, les tablettes, les relais, les GPS. Des milliards d’écran sont plongés dans le noir. Autant d’Ifon et autres smartphones ne sont plus bons à rien.
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Attirés par l’odeur nauséabonde de ses fèces, les mouches mortifères, les fourmis rousses et les scorpions entament une lente progression. Le lendemain matin, lorsque le drone décolle, il ne reste plus, au pied de la croix, que le sexe turgescent de la Mygale de l’islam. Son organe reproducteur était si dur, remplit de tant de voracité inutile, que même les insectes n’ont pas voulu le ronger.
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(Au même moment à Jérusalem)
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La cohorte des Rôdeurs a préféré prendre d’assaut la tour de David, une forteresse emplie de ruines et de jardins. Au son de la guitare gypsie, acrobates, cracheurs de feu et maîtres en illusions entament une danse qui saute de toits en terrasses. Tout là haut, au sommet des fortifications, dominant le quadrilatère tellurique du mont du Temple, deux hommes entièrement nus lèvent leur bras vers le soleil.
Fraternels, éditions Wespieser, dispo chez les bons dealers de littérature