Rencontre avec un acteur du web canal historique qui a réalisé sa conversion au vin naturel au fin fond de la communauté valencienne dans une vallée où l’on enfermait les lépreux derrière de hauts murs. Aujourd’hui cette riante vallée de la Marina Alta est au cœur d’un réseau de vignerons militants de la biodynamie que notre interlocuteur anime avec Vi Natural, boutique en ligne et sémaphore d’une certaine philosophie qui réclame le lien avec la terre.
C’est une interview avec une unique question, Jérôme ayant argumenté et digressé allègrement autour de la question, comme les illustres Péripatéticiens ou encore les fans de Merlí (série catalane sur un prof de philosophie dans un instituto).
Comment un natif du Sud Ouest se décide à vivre au fin fond de la Communauté valencienne ?
Parler de ma vie n’est pas un problème. J’ai eu la chance d’avoir un parcours technique et non universitaire. J’ai d’abord fait des études d’ébénisterie à Revel, une école qui rivalise avec Boulle à Paris. J’ai eu un prof principal qui terminait sa carrière et qui voulait 100% de réussite au bac. Ce pari fut réussi. Je touchais à l’informatique dès l’âge de 12 ans. Je voulais l’utiliser mais ne pas en «faire». Après l’ébénisterie, j’ai suivi une formation de graphiste dans une école, à qui j’ai fait acheter son premier ordinateur en 1987. Avec le matériel de l’école et les repros universitaires, on a créé K-Net, une revue qui a fait Angoulême pendant trois ans et qu’on imprimait en mode basket.
En 1989 je suis dans la décoration, j’ai un appartement mais je ne suis pas dans un état d’esprit urbain. Je me décide à rejoindre l’endroit de mon enfance dans le Piémont pyrénéen. J’ai 20 ans et des idées pour sauver le milieu rural. C’était encore le moment, les gens étaient connectés à la terre, un peu comme ici (à Benirrama, ndlr). Un urbain est déconnecté du Vivant. Nous sommes tombés dans un manichéisme et un système binaire extrême. Le Vivant est fou : il est partout et la Science n’explique pas tous ses phénomènes. Nous sommes une petite minorité à préparer ce «monde d’après». Je garde néanmoins un pied dans le matérialisme et peux dire à des interlocuteurs, politiques ou grands patrons, qu’ils se trompent.
Amiga world
Je quitte alors la ville de Bordeaux et la décoration pour vivre dans les Pyrénées. Je tombe sur une asso qui fait de l’infographie en lien direct avec IBM. On a fait des bornes interactives pendant trois ans. Je démarre stagiaire et deviens animateur. C’était une époque où même les experts d’IBM Paris s’étonnaient de ce que nous pouvions faire avec leur logiciel.
En 1992, je crée ma première entreprise, Communiquez !. C’était encore l’époque des grandes agences de publicité. Nous utilisions l’Amiga, ce qui nous pousse à éditer une lettre spécialisée, RAM, bimensuelle à 400 FF de 1994 à 96, 26 numéros par an, un A3 plié en 3 avec une disquette. Un jour une boîte nous approche pour créer une revue avec un numéro de commission paritaire. On faisait tout sur Amiga et c’était très compliqué, les imprimeurs ne comprenaient rien. On se retrouve en plan en 1997 suite au plantage de la revue (qui n’a pas eu son numéro donc).
NONAME, première agence «pure player» web en France
Cette même année, je crée NONAME la première agence «pure web» française, sans savoir que c’était une nouvelle industrie. Avec mon associé, je mets quatre mois à réunir les fonds, un banquier nous fait confiance. Ce fut un chemin de croix jusqu’en 2005. Depuis Arbas (31), nous faisions de l’évangélisation auprès des acteurs locaux. Il n’y avait que les universités et quelques rares institutions qui avaient un site. Alors nous nous décidons à vendre des sites sur disquettes, puis CD Rom. Nous avons contribué au changement de bord de la région Midi Pyrénées. Nous avons bougé à Boussens, l’ancien siège de ce qui devint Elf Aquitaine. Les premiers Cray (superordinateur) et serveurs HP ont d’abord été utilisés à Boussens ! Nous étions dans 9000 m2 de locaux. La goulotte (conduit pour les câbles) faisait 1m de diamètre ! En 2000 on monte avec une équipe une «salle blanche», on faisait de l’hébergement web. Et tout ça avant Google… Mon souci était de donner de la visibilité pour mes clients, j’optimise les images, je fais du contenu, je deviens SEO naturellement. Je fais du site web depuis 1995. Parfois, ça me «gratte», j’offre un site web à des gens qui ne peuvent se l’offrir. Beaucoup de développeurs sont des fils de pute. C’est très rare que des gens du web se mettent au service du «bien commun», si certains me lisent qu’ils me contactent à ce propos.
Andorre
En 2005 on en a plein notre souk, on vend NONAME et on s’installe en Andorre. Nous terminons second d’un concours de référencement, cela nous rend visible. Une boîte israélienne nous propose 300$ par joueur, on en fait vite jusqu’à 10 par jour… Nous nous installons là bas, une banque nous suit alors que je gagnais des clopinettes avec mon agence de com… C’était la rage de gagner aussi peu. A Andorre, je m’offre une Saab 900, parce que même pauvre je pouvais la garder. Cette vie à Andorre était juste de dingue. Aujourd’hui cette voiture me permet de travailler et de livrer des caisses de vin aux restaurants.
Mais j’en ai marre d’Andorre. Je viens en vacances à la Marina Alta, Alicante et je tombe amoureux de cette vallée, qui, emmurée, fut une léproserie pendant un temps. J’ai retrouvé ici une vibration pyrénéenne. J’ai appris parler catalan en Andorre, par frustration de ne pas avoir pu apprendre l’occitan. Ici je découvre une vie paysanne avec des principes, un rythme de vie et un caractère paisible. La droite valencienne (dont les hauts faits remplissent les faits divers judiciaires depuis des années, ndlr) a créé un institut pour prouver que le valencien était une langue à part et n’avait aucun lien avec le catalan. Au bout de 20 ans de travail, le résultat est que le valencien est du catalan… Il y a le même phénomène avec le provençal, certains refusent de croire que c’est de l’occitan. Le catalan est une bifurcation de l’occitan depuis le VIIIe siècle, une forme de latin vulgaire.
El Vi Natural
Je découvre alors des gens qui font du vin artisanal, du vin «de casa». Au départ le Pomerol est un vin de garage… En 2018, je rencontre des gens d’une sincérité incroyable. Je propose à une association, Bancals de Vi, d’être leur ambassadeur. L’un d’eux fait du vin écologique avec des vignes qui ne sont pas certifiées bio. La viticulture est une élaboration du Vivant, on parle d’élevage du vin. L’un des vignerons, Tonet, fait de la biodynamie depuis les années 80. Je leur ai fait une offre de service afin de les développer et je me suis lancé dans la distribution en ligne, auprès du public et des professionnels de la restauration. Je connais le sujet de la vente en ligne, j’ai fait le premier site marchand en 1998, la Grappe, encore une vieille histoire… Je me décide à faire du négoce avec les vignerons de l’association et augmente les prix publics. Je ne prends pas de marge sur les vins vendus au restaurant. Les clients participent à un «projet». Et ça marche. Les restaurateurs veulent être sur la carte du site, faut il encore qu’ils aient plus que trois trois vins naturels aux côtés de vins avec sulfites.
Je travaille un projet radical, projet que j’ai abouti grâce au confinement. Ces vins sont incroyables, on peut boire aussi bien du blanc que du rosé sans s’altérer. Je défends la vie, je suis contre les traitements chimiques et l’ajout de sulfites. Le vin naturel ne subit aucune opération mécanique ni aucun traitement chimique. C’est un produit vivant et à un moment donné il va mourir. C’est nous qui faisons un produit «conventionnel», ce n’est pas l’agriculture industrielle et ses pesticides. Elle devrait même payer les certifications bio des agriculteurs qui abandonnent la chimie et la mécanique. Donc oui je suis radical. Je trouve que les acteurs du bio ont beaucoup trop d’entraves.
Quelles sont les prochaines étapes de Vi Natural ?
Une fête du vin naturel itinérante, un bar à vin naturel à Valence et à Alicante, de la formation pour les sommeliers de la région, avoir des points de vente Vi Natural.org… Il y a du travail pour défendre les producteurs qui ont fait le choix de la vie !
Propos recueillis à Benirrama
Monsieur Jérôme un développeur hors-paire quelqu’un de confiance qui a des résultats à coup sûr configurer un projet il le fera aboutir comme jamais vous le pensiez
Bravo