Cela pourrait être un article à la Perrec (« je me souviens, je me souviens… »), le business gay, c’est un rainbow flag sur Sunset Boulevard entouré de boutiques sur 500 mètres ou dans moult quartiers « libérés » dans les pays démocratiques. C’est aussi des pubs de grandes entreprises qui précisaient qu’elles avaient toutes des gays et des lesbiennes pour faire plaisir à leur clientèle. Il semble que ce parfum des eighties a disparu avec la crise, mais pas que.
Un projet fort intéressant a été lancé il y a deux ans par un ami collaborateur de cabinet à la Ville de Paris, aussi utopiste que génial dans le travail, : pourquoi ne pas réunir les acteurs CHRD (café, hôtel, restaurant & discothèque) et de la nuit LGBT parisiens pour qu’ils mettent en place des actions communes pour promouvoir la destination « Paris » envers les LGBT européens ? Aide toi, le ciel t’aidera. Cette devise marche aussi pour les personnes dites sensibles.
Une formalité penseriez vous ? Non, mieux vaut traverser l’Atlantique sur un Tampax en guise de bouée que de faire comprendre l’intérêt d’une action commune aux exploitants de lieu, organisateurs de soirée et autres entrepreneurs gay de la capitale. Un tel projet aurait du être porté tout naturellement par le SNEG, le syndicat national des entreprises gay. Cependant, celui-ci n’ayant pas de vision stratégique ou pas les moyens humains de travailler à long terme, alors que la crise devrait l’y pousser (sic) depuis des années, n’a pas répondu aux sollicitations de notre utopiste, collaborateur d’un élu distribuant pourtant quelques subventions aux organismes légitimes dans leur secteur.
Les personnes de la « nuit gay » ont été réunies plusieurs fois par notre héraut de la cause commune dans un lieu neutre et institutionnel. Ceux ci n’ont pas réussi à avoir de vision stratégique de leur propre intérêt, préférant imaginer organiser des soirées alors que le rôle d’un syndicat n’est pas de se substituer à ses adhérents (n’est ce pas ?). Le plus gros problème est que très peu par mi la petite vingtaine de protagonistes ont dépassé leur rancœur et rivalité.
Peut être que le casting n’était pas le bon ou qu’il ne faut pas demander aux intéressés d’inventer par eux-mêmes la bouée qui les sauvera de leur propre naufrage ? Tanpis pour la scène gay parisienne, elle restera un marécage dans un Marais, qui se rétrécit comme une peau de chagrin, comme l’a rapporté le dossier de mars 2013 sur le Marais du Nouvel Observateur. Les lieux gay ont tendance à se fondre dans la masse. Cette évolution est logique au regard de l’égalité des droits.
C’est donc un constat désolant que Tetu n’a pas reporté, vu que le projet est mort né. L’association Paris Gay Metropole n’a pas eu le temps de se développer à cause de maux multiples. Les dissensions, le dédain, l’indifférence, la passivité, la parano, etc. (liste non exhaustive) ont eu raison d’une dynamique communautaire et unitaire. Le dépassement de soi dans une action somme toute pas plus complexe qu’une association de commerçant de quartier d’une bourgade rurale est impossible. Il est désolant de constater que seuls le VIH ou l’homophobie fassent l’unanimité.
Par dessus le marché, ajoutez l’avenir incertain du magazine Tétu, le magazine que Pierre Bergé a pouponné depuis sa création en juillet 1995. Ce porte voix du célèbre homme d’affaire, qui a repris son titre au fanzine de Loïc Prigent (rendons à César ce qui est à César), disparaît également dans les volutes de la chimère du « marché gay ». La page Wikipedia précise même en introduction de l’article que le titre perd 1,5 M €/an… Rassurons nous, il restera des blogs animés par des passionnés, des sites et applications mobiles de rencontres (qui feront déserter les fameux « lieux de convivialité » gay) et des joies et des pleurs dans les chaumières. Aujourd’hui, on pense plus au mariage et à l’homo-parentalité qu’au marché gay. Notre époque voit un vrai repli sur soi d’individus ayant peur d’un monde qui leur échappe.
Une note optimiste quand même : la nuit parisienne se porte bien. Plus de trois ans après avoir lancé la pétition « Paris, quand la nuit meurt en silence » avec Éric Labbé et Matthieu Jaussaud, on peut dire que la vivacité est réelle, malgré un manque de place, des tarifs encore élevés et une mobilité nulle des Parisiens en Ile de France. Dans ce paysage, les gays ont disparu.