Tribune à Yves Aupetitallot
L’arrêt de projets non budgétés ouvre la voie à la rénovation attendue de la politique de l’État dont l’action s’est recentrée sur Paris dans un retour à l’ordre conservateur concomitant à la « spectacularisation » et à la marchandisation de l’art.
Pendant que la capacité d’intervention des structures en région se dégradait, l’État, replié sur une recherche identitaire et protectionniste, lançait des projets parisiens censés réactiver la scène française.
Quand le budget de fonctionnement du Palais de Tokyo était doublé (3 à 6M€) et qu’il captait plus de 70% de l’investissement, 6% des crédits des arts plastiques étaient gelés.
Quand les milieux artistiques étrangers exploraient les transformations socio-politiques et les scènes artistiques émergentes, la spiritualité, le beau ou encore la place de l’art français faisaient discours.
Nul doute que la ministre devrait repenser l’action de l’État dans une dimension territoriale rééquilibrée, comme elle devrait favoriser l’émergence d’autres pratiques que celles du consumérisme et du conservatisme. Mais n’ayons pas de parole embarrassée, elle pourrait également veiller à la re professionnalisation et à la diversification de ses acteurs.
La réforme de l’existant, hérité des années quatre-vingts, saurait-elle toutefois suffire à répondre aux transformations de l’art contemporain et de la réinvention des usages sociaux de ses productions ? À un moment où la typologie classique des structures et de leurs missions comme les fonctions qui les servent sont de plus en plus transversales et interchangeables, le croisement et le partage des métiers et des savoirs, y compris avec d’autres disciplines et d’autres champs de recherches, offre la possibilité de réfléchir la refondation de l’action publique et notamment de construire des modèles économiques coopératifs pour peu qu’ils soient dotés des outils juridiques et fiscaux nécessaires.
L’enjeu est bien celui de réinvestir l’État de sa mission prospective et stratégique, politique diront certains.
————————————————- Ce texte a été publié dans les Inrocks.
Yves Aupetitallot est le directeur du Centre National d’Art Contemporain Le Magasin, un centre d’art dont l’aura est incontesté depuis plus de 20 ans et qui a vu dans sa « rue » et sa galerie un nombre impressionnant d’artistes.
Cette tribune répond au besoin d’informer l’opinion sur l’évolution de la politique culturelle quant aux arts plastiques de l’État. L’enthousiasme n’est pas de mise, mais le spectacle continue, la FIAC ouvre ses portes cette semaine.
Pour mieux apprécier la situation, lisez cet article du Journal des Arts.